La phase de terrain du projet-pilote Entr’apprendre se termine en même temps que l’année scolaire. Plus d’une cinquantaine d’enseignants des filières techniques et professionnelles, issus de 17 écoles, de trois réseaux francophones, ont pu s’imprégner des conditions de travail dans les huit entreprises participantes: D’Ieteren Auto, les Ateliers de la Meuse, la STIB, la Sonaca, Heidelberg Cement, Carmeuse, JTEKT et Techspace Aero.

Le projet Entr’apprendre avait été officiellement lancé quelques mois plus tôt, en janvier 2015, lors du Salon de l’Auto, sous les auspices de Joëlle Milquet, ministre de l’enseignement obligatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celle-ci avait alors souligné l’extrême utilité de ce projet dans le processus du Pacte pour un enseignement d’excellence, qui mobilise actuellement tous les acteurs de l’enseignement francophone. Les stages proprement dits avaient démarré quelques semaines plus tard, à la mi-mars.
Tant du côté des enseignants-stagiaires que des entreprises, c’est la satisfaction qui domine. On peut même parler d’enthousiasme pour cette première expérience. Les enseignants (re)découvrent dans toute sa largeur le spectre de la technicité et des exigences du travail en entreprise, dont ils peuvent ensuite faire l’esquisse à leurs élèves et à leurs collègues. Les entreprises, de leur côté, peuvent faire expérimenter de manière concrète leurs réalité et leurs exigences par rapport aux jeunes diplômés qui frapperont à leurs portes, tant en matière d’acquis techniques que d’attitude et de comportement, dans un univers où l’excellence et la rigueur doivent être visés à tous les niveaux. Ce projet souligne à quel point la formation continue des enseignants est cruciale dans une perspective d’excellence des filières qualifiantes.
Les organisateurs de ce projet - la Fondation, les réseaux d’enseignements, les instituts de formation continue de l’enseignement, l’inspection, les fédérations d’entreprises et les entreprises - travailleront prochainement à l’extension du projet qui se poursuit, notamment avec le transfert des apprentissages de l’entreprise vers l’école. Une phase d’évaluation du modus operandi sur le terrain se déroulera aussi dans les mois à venir.

Voici un florilège de témoignages, recueillis sur les lieux des stages.
Du côté des enseignants…
Jean-Marc Debeur, chef d’atelier, Institut René Cartigny, Ixelles (stagiaire chez JTEKT-Torsen)
« Ce n'était pas de l’improvisation. Cette visite avait été bien préparée et rien n'avait été laissé au hasard. La responsable des ressources humaines était toujours disponible et a toujours répondu à nos questions. Le responsable de production a donné un maximum d'informations sur les différentes machines et procédés de fabrication. Nous avons reçu des supports écrits, exploitables au sein de notre établissement scolaire. »
Michel Vanderweeghde, chef de travaux, Ecole polytechnique, Seraing (stagiaire aux Ateliers de la Meuse)
« J’ai pu me rendre compte de la rigueur nécessaire à ce genre de travail, et de l’exigence des critères de sélection des machinistes. »
Jean-Philippe Favart, professeur, Institut technique Saint-Luc, Mons (stagiaire à la STIB)
« Il y a parfois un gouffre entre le monde du travail, qui évolue très vite et bénéficie des dernières technologies, et ce que nos élèves apprennent en classe. Nous devons y être d'autant plus attentifs qu'il y a des emplois en jeu. »
Jean-Gabriel Dubrux, professeur, Athénée royal Riva-Bella, Braine-l’Alleud (stagiaire à la STIB)
« Je pourrai peut-être apprendre à mes élèves différentes choses que j’ai vues et qui me permettront de peaufiner mes cours en donnant un aperçu plus large de ce qui peut exister dans le panel des véhicules roulant en Belgique. »
Roland Delvenne, professeur, Institut Saint-Laurent, Liège (stagiaire chez D’Ieteren Auto)
« Avec le contrôle qualité, ce n’est pas tout de travailler convenablement. Les élèves croient que faire un entretien, ça se résume à accomplir une suite de gestes techniques. Mais faire un entretien sans renverser d’huile, c’est autre chose. »
Abdelrrahim Mssassi, professeur d’électronique, Institut Cardinal Mercier, Schaerbeek (stagiaire à la STIB)
« Il y a eu énormément d’évolutions par rapport à ce qui se faisait auparavant. Il y a une quantité de technologies qui sont intégrées dans ces autobus, qu’on ne retrouve pas dans l’automobile conventionnelle. »
Luc Vandevelde, chef d’atelier Mécanique, Institut Saint-Joseph, Etterbeek (stagiaire à Carmeuse)
« Ce qui est très différent, c’est la grandeur. C’est du gros travail. Et nos élèves ne sont certainement pas prêts à entrer dans des entreprises comme celle-ci, pour l’instant. Il y a beaucoup de choses à remettre au point. Surtout, ce qui est très important - ici ça se marque très fort - en matière de sécurité. »
Jérôme Van Avermaet, professeur Constructions métalliques, Centre Asti-Moulin, Namur (Stagiaire à la Sonaca)
« Il faut vraiment qu’on insiste sur certaines choses. Notamment le fait d’être à l’heure, et de ne pas être absent. Dès que quelqu’un est absent, la chaîne ne tourne pas et il met ses collègues en difficulté, car ils n’arriveront pas à remplir leurs objectifs en fin de semaine. C’est très compliqué! »
Charles Lizen, professeur, Centre scolaire Saint-Joseph-Saint-Raphaël, Remouchamps (stagiaire à Heidelberg Cement - CBR-Lixhe)
« Ce stage m’a conforté dans une de mes réflexion vis-à-vis des élèves, une réflexion qui porte sur le fait qu’il y a énormément de choses très importantes dont on doit tenir compte dans ce qu’on leur explique. Et la première: c’est la sécurité. »
Samuel Désert, professeur, Institut communal d’enseignement technique, Bastogne (stagiaire à Heidelberg Cement - CBR-Lixhe)
« Ce que je vais ramener dans mon école, ce ne sont peut-être pas des nouveautés technologiques, mais c’est sans doute de très bons exemples à donner à mes élèves. En plus, ce stage me permet d’avoir un point de comparaison avec les élèves. Eux vont aussi en stage. Je peux ainsi me rendre compte de ce qu’ils vivent, et, au retour, cela va nous donner un sujet de discussion. Nous pourrons comparer ce que nous avons vu. »
Carlo Radicchi, professeur, Ecole polytechnique, Seraing (stagiaire à Techspace-Aero)
« C’était important pour moi, pour l’école et pour l’enseignement en général, d’essayer d’établir un lien entre ce que les élèves apprennent à l’école et ce qu’on leur demande en entreprise. Tout en sachant qu’on ne va pas pouvoir répondre aux demandes particulières de chaque entreprise… Il y a des choses importantes qui ne me paraissent pas primordiales maintenant, mais qui, à l’usage ou un jour pendant une leçon, vont resurgir et vont être utilisées dans le cadre des cours. »
Bernard Wattiez, professeur, Institut des arts et métiers, Bruxelles (stagiaire à Techspace-Aero)
« C’est se replonger dans le monde industriel que j’ai quitté il y a 27 ans, voir les évolutions et voir les liaisons que je pourrai établir entre ce que je vois ici et les élèves, afin de pouvoir diminuer la différence entre l’école et l’industrie. Surtout qu’ici, on est dans de la très haute industrie. »
Habieb Abdel-Nasser, professeur, Ecole polytechnique, Seraing (stagiaire à Carmeuse)
« Nous, dans l’enseignement, nous fonctionnons avec des « situations de problème ». Nous mettons les apprenants face à une réalité technique et technologique, et nous l’amenons à réagir. L’avantage de ce stage d’immersion dans le monde socioprofessionnel, c’est de précisément de nous permettre de découvrir cette réalité de l’entreprise, et d’essayer ensuite de la transmettre aux apprenants, afin de pouvoir mieux les préparer… Ici, j’ai notamment découvert le diagnostic des problèmes, une méthode pour identifier les causes d’une panne et en trouver la solution. Je ferai en sorte de ramener ça à l’école, parce que je trouve que c’est une méthode bien ciblée et bien adaptée. »
Eric Vandevelde, chef d’atelier, Institut Saint-Joseph, Etterbeek (stagiaire à Carmeuse)
« Je retrouve pas mal de choses que j’ai connues à l’époque, mais les temps ont changé, les machines oint changé et la façon de faire les entretiens a changé. C’est très important de remettre le professeur au gout du jour. Je pense sérieusement que je vais demander à ma direction de poursuivre l’expérience dans les années à venir avec les professeur du troisième degré. Il très important que ces professeurs-là voient ce qui a changé dans l’industrie pour guider les élèves vers l’avenir. »
Pierre Goffioul, formateur interne, Institut de la formation en cours de carrière
« Depuis longtemps, l’enseignement technique voudrait se rapprocher des entreprises et l’entreprise voudrait se rapprocher des écoles. La Fondation pour l’enseignement propose une solution pour essayer d’engager les enseignants à faire des stages d’immersion en entreprises et à se replonger dans le bain, de manière à, éventuellement, corriger les offres de formation et à insister sur les compétences qui ne sont pas toujours travaillées à l’école. Il y a en effet beaucoup de choses qu’on apprend à l’école, mais sur lesquelles on n’insiste pas assez. Surtout la polyvalence. Aujourd’hui, les techniciens doivent être polyvalents. Ils ne font pas le même métier qu’il y a 10 ou 20 ans. »
Du côté des entreprises…
Cédric Minotte, coordinateur Ressources humaines, Les Ateliers de la Meuse
« Les enseignants ont apporté beaucoup d’éléments nouveaux à notre propre réflexion. On peut notamment pointer parmi les intérêts exprimés: la démarche ‘qualité’, le contexte de travail contraignant notamment en matière de sécurité et l’envie d’en parler à leur élèves. »
François Constant, technical school & knowledge manager, STIB
« En accueillant ces stagiaires, notre objectif est d’augmenter les compétences des jeunes diplômés que nous engageons. Mais ça, c’est du long terme. Aujourd’hui, je constate un réel intérêt de la part des professeurs. »
Catherine Vandepopeliere, responsable Communication & CSR, D’Ieteren Auto
« Ces stages ont vraiment leur utilité. Ce sont deux mondes qui se rencontrent. Les enseignants expriment un fort intérêt pour les aspects techniques, et ce dès la phase d’observation, et formulent des demandes très concrètes. »
Fabrice Foucart, directeur Patrimoine et Environnement, Carmeuse
« Nous sommes un groupe wallon qui investit énormément dans la modernisation de ses installations et dans la création de nouvelles unités techniques, comme celles dans lesquelles les enseignants sont immergés. Opérer ces installations nécessite des compétences techniques pointues, qui deviennent difficiles à trouver sur le marché de l’emploi. En travaillant avec les enseignants, nous espérons faire évoluer cette situation. »
Dominique Esposito, ingénieur Fiabilité, Carmeuse
« C’est, pour ces enseignants, une opportunité de voir ou de revoir comment ça se passe et de comprendre toute la complexité de l’activité. »
Aurélie Humblet, resposable RH du personnel ouvrier, Techspace-Aero
« C’est un projet qui nous tient à coeur. Y participer est essentiel, pour nous assurer que, demain, la main d’oeuvre que nous trouverons pour travailler chez nous (ou ailleurs) sera le plus possible en adéquation avec nos besoins. Quand on regarde sur le moyen et le long terme, nous savons que ça va nous apporter quelque chose. Maintenant, à court terme, il est évident que ça ne fait pas partie de nos tâches quotidiennes. Donc, il faut s’arrêter un moment et prendre le temps de réfléchir à ce que nous faisons… Nous avons focalisé le stage sur le métier d’usineur, car c’est un métier en pénurie. Donc, la première chose qui manque actuellement par rapport à l’école, c’est le nombre d’usineurs formés. Ensuite, par rapport aux compétences, ça dépend des formations, mais, en général, le manque ne se situe pas au niveau technique, mais dans l’acquisition d’une certaine maturité dans le contexte professionnel. »
Audrey-Ann Toogood, directrice Ressources humaines, Heidelberg Cement Benelux
« Nous travaillons avec des installations à la pointe de la technologie. Par conséquent, les fonctions de nos travailleurs sont bien souvent pointues. Il est donc important pour nous qu’un jeune qui arrive sur le marché du travail soit formé conformément aux enjeux de nos métiers. Pour la troisième année consécutive, notre groupe est certifié top employer : nous accordons beaucoup d’importance à la formation et au développement de nos travailleurs. Dans le cadre du programme de la Fondation Enseignement, nous travaillons un peu ‘en amont’ et prenons part à la formation de nos éventuels futurs collaborateurs. »
Philippe Renson, Human Ressources Manager, Heidelberg Cement/CBR-Lixhe
« Cette initiative mise en place par la Fondation pour l’enseignement est tout à fait positive, tant pour les enseignants/élèves que pour les industries. Pour répondre au mieux aux besoins du marché, les deux parties ont intérêt à avoir une ligne de conduite cohérente et des intérêts convergents. »
Frédéric Deleuze, maintenance manager, Heidelberg Cement/CBR-Lixhe
« En travaillant en amont, avec les professeurs, nous visons à obtenir un retour, en travaillant sur le fond des programmes et en impliquant les formateurs scolaires dans la réalité des industriels. Cela nous permettra de trouver les bons candidats sur le marché de l’emploi. Ce qui n’est pas toujours le cas (et loin d’être le cas) à l’heure actuelle. »
… Et d’autres témoignages suivront.
Témoignages en image:
- Reportage Télé-Bruxelles - 27 avril 2015
- Reportage RTBF - 7 mai 2015 (20’05’’)












